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Vers l’affaiblissement des communes rurales

Des Côtes-d’Armor à la Haute-Vienne en passant par le Cantal, vétérinaires, maires et techniciens aux Haras nationaux témoignent contre la réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat.


Marc Montaudon, maire de Châteauneuf- la-Forêt (Haute-Vienne)

Je suis un ancien fonctionnaire, défenseur des services publics. Auparavant, ces services fonctionnaient bien. Bien entendu, on peut tout le temps les améliorer. Mais lorsque je fais la comparaison avec ce que propose le secteur privé, je préfère largement avoir recours à nos services publics. Avec la réforme des services déconcentrés de l’Etat, le gouvernement est en train de les vider de leur substance. Et tout cela aura pour conséquence d’affaiblir les communes rurales. Le gouvernement n’a plus le souci d’aménagement du territoire. Il n’est plus inquiet pour la ruralité. Moi je m’inquiète beaucoup de ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays. La réforme des structures est un éloignement démocratique. Cette réforme des services déconcentrés de l’Etat concentrera les pouvoirs dans les mains des préfets. On va enlever certaines compétences à tous les agents de l’Etat. Certaines tâches vont être abandonnées. Mais les plus rentables seront bien entendu confiées au privé. A qui fera-t-on appel, par exemple, pour les tâches de conseil ? Le rapprochement de la DDA et de la DDE est dans cette même optique. L’Etat veut conserver trois grandes branches d’administration. C’est plus facile pour un préfet de diriger trois administrations que 10, et moins coûteux d’avoir 3 directeurs plutôt que 10. Mais à côté tout cela, est-il valable d’avoir 2 ou 3 studios d’enregistrements à l’Elysée, ou encore de mettre près de 130 millions d’euros dans la rénovation de l’avion du président de la République ? La vérité c’est que localement on restreint alors qu’en haut lieu c’est l’opulence.


Joëlle Lebrethon, technicienne des services vétérinaires, syndicaliste CGT (Côtes-d’Armor)

Depuis le 1er janvier, les services vétérinaires départementaux ont fusionné avec ceux des fraudes. Mais le plus gros problème, ce sont les réductions d’effectifs. Au niveau national, 331 départs à la retraite ne seront pas remplacés sur les 333 prévus, autant dire aucun. Les Côtes-d’Armor sont un gros département agricole, et nous devrons prendre des effectifs dans les autres départements. Que se passera-t-il dans ces départements ? Certaines missions seront abandonnées d’office, comme la prévention, ce qui multiplie les risques sanitaires dans le produit final. Déjà en volailles, on a délégué aux professionnels les contrôles des chaînes d’abattage, et l’Etat ne fait plus que de la vérification. La même démarche est envisagée pour la viande de porc. On nous dit que les fonctionnaires coûtent cher. Mais le jour où il y a une crise sanitaire, nous pouvons intervenir rapidement grâce à notre connaissance du terrain. Et ce même le soir, le dimanche, qu’il pleuve ou qu’il vente, et sans qu’on nous paie nos heures supplémentaires. Nous remplacer par des vétérinaires privés coûterait plus cher, sans compter qu’ils n’auraient pas la capacité d’assumer le surcroît de
travail.


Samuel Fauvel, adjoint technique principal au Haras national d’Aurillac

Nous réalisons pour les éleveurs de chevaux des opérations d’insémination, de débourrage, de sevrage, d’échographie et d’identification. Avec la RGPP, nos tarifs risquent d’augmenter de 30 à 40 %. Sachant que le prix du poulain de trait a diminué, on risque d’avoir une perte énorme en termes de nombre d’éleveurs et de patrimoine génétique. Et les petits éleveurs seront les premiers touchés, ce qui est le cas en Auvergne où il y a en moyenne 1,7 cheval par exploitation. Les Haras nationaux vont être scindés en deux entités distinctes : d’un côté, l’Institut français du cheval et de l’équitation pour tout ce qui est « élite », de l’autre le GIP France Haras pour les activités concurrentielles. A Aurillac, le cheval de trait représente 80 % de notre activité, nous allons basculer entièrement dans le GIP. Or cette structure doit être à l’équilibre financier. Avant on faisait des prestations à perte et l’Etat versait une subvention. Ce système a marché pendant des années avec un prélèvement sur le PMU. Mais aujourd’hui, il n’y a pas la volonté de continuer.

Dans les Côtes-d’Armor, l’accueil réservé par les personnels à la réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat, ou REATE, est pour le moins... frais. C’est même le moins que l’on puisse dire, puisque l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, CFDT) a exprimé un refus aussi catégorique qu’unanime, après avoir rencontré le préfet qui réunissait les représentants des personnels des services concernés. Sur le terrain, les conséquences de cette REATE se font déjà lourdement sentir. Déménagements multiples, vagues de réorganisations successives des services, changements de métiers, « gestion individualisée » des carrières et des rémunérations, absence de reconnaissance du travail accompli et des qualifications... tout s’empile. Ajoutons à cela des sous-effectifs qui ne font que s’aggraver, non-remplacement des départs en retraite oblige : les conséquences sur la santé des personnels, en premier lieu, sont palpables. A cela s’ajoute parfois un sentiment d’humiliation, ressenti de manière particulièrement vive lorsque des consultants venant de cabinets privés prétendent leur apprendre à travailler efficacement, alors qu’eux-mêmes passent du temps avec les hauts cadres publics dans les meilleurs restaurants de la région, histoire sans doute de les convaincre plus rapidement des bienfaits de la réorganisation. Cela aux frais de qui, les cabinets privés ou bien l’Etat ? Pour les syndicats des Côtes-d’Armor, cette réforme signe la volonté du gouvernement de poursuivre, en l’accélérant, la baisse du nombre de fonctionnaires. Une logique strictement comptable, qui ne tient aucun compte de l’importance des missions des services territoriaux de l’Etat en matière de contrôle de l’utilisation des fonds publics, de soutien aux collectivités locales et aux populations les plus fragiles, et de sécurité alimentaire, maritime ou environnementale.

Article publié le 24 janvier 2010.


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