vous êtes ici : accueil > Actualité

Vos outils
  • Diminuer la taille du texte
  • Agmenter la taille du texte
  • Envoyer le lien à un ami
  • Imprimer le texte

Etude relations employeurs-salariés

Le sondage réalisé par TNS Sofres pour Altedia montre qu’une cassure s’est produite entre les salariés français et leurs employeurs. Perte de confiance dans les dirigeants, mais aussi perte de confiance dans les syndicats. Le modèle managérial est en crise.


La figure du patron n’a jamais eu une cote d’enfer auprès des salariés français, mais ils n’en étaient pas moins attachés à leur propre entreprise ou administration. S’agit-il seulement d’un passage à vide lié à la brutalité de la crise ou d’une rupture durable ?
En tout cas, un sondage réalisé par TNS Sofres auprès d’un échantillon représentatif de 1.005 salariés du privé, d’entreprises publiques et d’administrations, du 14 au 23 octobre, révèle que ce n’est plus le cas. « La rupture entre salarié et employeur est consommée », souligne Xavier Lacoste, directeur général d’Altedia, la société de conseil en ressources humaines pour laquelle a été réalisée cette enquête. La présidente du Medef n’y croit pas. Laurence Parisot ne veut pas entendre parler de divorce entre les salariés et leurs employeurs, en tout cas dans le privé. Ce constat n’étonne en revanche pas le sociologue du travail Michel Lallement.

Selon le sondage TNS Sofres Altedia, le phénomène est général : s’ils sont plus positifs sur leurs relations avec leur manager direct, seuls 42,7 % de salariés du privé déclarent avoir « confiance dans les dirigeants » de leur entreprise. Pour l’Etat employeur, ce n’est pas mieux : ils ne sont même que 29,6 % dans l’administration. Pis, seuls 39 % des salariés interrogés jugent que, chez leur employeur, « les intérêts des dirigeants et des salariés vont dans le même sens » (40,8 % dans le privé et 29,5 % dans le public). Et seuls 38,2 % des salariés (40,8 % dans le privé, 29,5 % dans le public) jugent les écarts de salaire entre leurs dirigeants et eux-mêmes justifiés. Quant aux cadres, ils ne raisonnent pas autrement. La seule exception concerne les très petites entreprises, où 61 % des salariés affirment que les intérêts de leurs dirigeants vont dans leur sens.

Alors que la question du stress occupe depuis quelques semaines le devant de la scène médiatique, l’enquête ne montre pas qu’il constitue une préoccupation majeure. Xavier Lacoste y voit le signe qu’« il serait imprudent de résumer le malaise actuel dans les entreprises à une simple question de stress et de risques psychosociaux ». Pour lui, « il tient au moins autant à des incompréhensions sur les orientations stratégiques ou encore les politiques de rémunération ».

Cette importance relative du stress signifie aussi que si les salariés sont mécontents (de leur salaire et du manque de reconnaissance) et inquiets (près d’un sur deux se sent menacé dans son emploi), ils « ne sont pas résignés », selon Xavier Lacoste. Ils apparaissent même dans le sondage plutôt revendicatifs. Dans le privé, ils sont ainsi 46 % à évoquer la grève et 22 % des actions violentes. Mais ce n’est pas pour autant une bonne nouvelle pour les syndicats, qui déçoivent une majorité de salariés (à peine plus de 45 % leur font confiance et seulement 42 % dans le privé). « Il y a une aspiration à tout régler au premier niveau avec son manager », souligne Xavier Lacoste, qui note un « désinvestissement du collectif » vers un « repli individualiste ». Tout cela constitue autant d’ingrédients d’une crise managériale, dont il est sans doute un peu tôt pour savoir si elle est simplement conjoncturelle, mais qui semble en tout cas assez profonde.

Très dur constat pour l’Etat, prompt à sermonner les entreprises sur la souffrance au travail : selon l’étude, les agents de la fonction publique d’Etat sont la catégorie la plus critique à l’égard de leur employeur. Seuls 12 % des agents estiment avoir une relation « de qualité » avec leur administration (contre 29 % des salariés du privé) et la défiance est généralisée : ils ne sont que 62 % à juger leur employeur « solide » (76 % dans le privé), 43 % à estimer qu’il sait s’adapter aux évolutions économiques et sociales (68 % dans le privé) et 26 % à juger qu’il se soucie de leur avenir. Le niveau de satisfaction est faible sur la reconnaissance des efforts fournis (34 %, contre 48 % dans le privé et 60 % dans les entreprises publiques) et atteint même un niveau étonnamment bas sur la sécurité de l’emploi (63 %). En clair, plus d’un agent sur trois craint pour son emploi !

C’est un nouveau signe de l’ampleur du malaise né de la réforme de l’Etat (RGPP). Mobilité accrue, individualisation des salaires, réorganisation, rationalisation, passage d’une logique de corps à une approche par métiers : l’Etat employeur vante sa « modernisation » et la « responsabilisation » des agents quand ces derniers dénoncent la « régression » du service public et la « fragilisation » de leur statut. Selon les syndicats, le malaise est d’autant plus fort que le mouvement se fait « au pas de charge » . Il y a dix jours, FO a même dénoncé « un nombre croissant de suicides de fonctionnaires ».

Le mal-être se nourrit aussi de l’inflexibilité de l’Etat malgré les mouvements de protestation répétés depuis deux ans. Durant la crise, les fonctionnaires n’ont rien obtenu : ni revalorisation salariale, ni ralentissement des réformes, ni moratoire sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Au contraire, l’Etat reste bien décidé à accélérer le rythme de la RGPP. A compter du 1er janvier, il va achever la réorganisation de l’ensemble de ses services dans les régions et les départements, un chambardement qui concerne 250.000 fonctionnaires.

Article publié le 1er décembre 2009.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.